18 janvier 2022
InfosIncidence de la hausse des prix de l’électricité sur les contrats d’achats renouvelés au 1er janvier 2022
Le Syndicat Départemental d’Énergie et d’Équipement de la Lozère (SDEE) organisait le 18 janvier 2022 à Mende, une réunion de présentation des résultats des marchés de fourniture d’électricité pour la période 2022-2024, à l’attention des membres du groupement d’achat qu’il pilote à l’échelle départementale.
La réunion, animée par le SDEE et le cabinet spécialisé Audit Expertise Conseil, en présence de représentants d’EDF, fournisseur retenu pour ces marchés, a permis de faire un point détaillé sur la situation énergétique française, européenne et mondiale, et ses conséquences sur les prix dans le cadre du renouvèlement de ces marchés.
Contexte de la flambée des prix de l’énergie
Depuis maintenant plusieurs mois, le sujet de l’augmentation des prix de l’énergie est régulièrement repris dans les médias nationaux et inquiète de plus en plus les consommateurs.
En 2021, les prix de l’énergie ont en effet connu une hausse inédite et ininterrompue, qui s’est encore accélérée en fin d’année. Celle-ci a été couplée à une volatilité importante, et jamais connue auparavant, les prix pouvant ainsi augmenter ou diminuer de 20 à 25 €/MWh d’un jour à l’autre, voire en seulement quelques heures.
L’augmentation du prix de l’électricité est influencée par différents facteurs :
- Une forte demande électrique mondiale avec le redémarrage de toute l’économie post-pandémie
- Une hausse du prix des matières fossiles (gaz, charbon et pétrole)
- Le prix des quotas carbone (CO2)
- La disponibilité des actifs de production et notamment des centrales nucléaires en France, avec des maintenances programmées sur un parc vieillissant (17 réacteurs sur 56 à l’arrêt au 17 décembre 2021)
Au niveau européen, l’électricité est essentiellement produite à partir de centrales utilisant des ressources fossiles, contrairement à la production française qui est à plus de 80% d’origine nucléaire.
La hausse du prix des énergies fossiles est donc un facteur important de l’augmentation des prix au regard de leur utilisation en tant qu’intrants dans la production d’électricité, avec notamment une très forte augmentation du prix du gaz liée à un niveau de stockage au sein de l’Union Européenne inférieur au stock habituel, à des achats massifs de la Chine, et à la forte dépendance vis-à-vis de la Russie (40% des besoins européens en gaz sont assurés par la Russie) qui a récemment diminué ses exportations vers l’Europe pour des raisons géopolitiques.
L’ambition européenne de réduction des émissions de gaz à effet de serre impacte elle aussi le prix de l’électricité, en imposant aux producteurs non vertueux (fortement consommateurs de matières fossiles) de payer des coûts additionnels : le principe du pollueur-payeur est matérialisé par le marché des quotas carbone (système communautaire d’échange de quotas d’émission de CO2).
Une forte demande électrique nécessite la sollicitation d’un ensemble d’unités de production disponibles, réactives et flexibles et notamment celles utilisant des ressources fossiles comme le gaz, le charbon ou le pétrole. Le prix élevé de ces intrants auquel s’ajoute l’impact du prix des quotas d’émission de CO2 et l’indisponibilité de certaines centrales nucléaires est donc venu rehausser le prix de l’électricité sur les marchés de gros.
Des consommateurs et des fournisseurs impactés par cette situation
L’envolée des prix de l’électricité affecte tout le secteur, à commencer par les consommateurs, particuliers et professionnels, qui font face à des factures de plus en plus élevées.
Fin 2021, cette situation a conduit le gouvernement à prendre une série de mesures d’urgence pour atténuer et contenir la hausse :
- Revalorisation de 100 € du chèque énergie
- Ajustement de la fiscalité, avec une réduction de la Contribution au Service Public de l’Électricité (ancienne TICFE) de 22 € par MWh
- Limitation temporaire de la hausse du tarif réglementé de vente de l’électricité (TRV) à 4 % (contre 12 % si les modalités de révision classiques du TRV avaient été appliquées)
Enfin, le 13 janvier dernier, le gouvernement a annoncé une mesure complémentaire en augmentant de 20 térawattheures (TWh) le volume d’électricité nucléaire vendu à prix réduit par EDF à ses concurrents, pour le faire passer à titre exceptionnel de 100 à 120 TWh.
Ces mesures exceptionnelles sont les bienvenues, mais la tenue dans le temps de ce bouclier tarifaire interroge, avec notamment la question d’un éventuel rattrapage du TRV.
Si les consommateurs sont fortement impactés par la hausse des prix, les fournisseurs d’électricité ne sont pas épargnés. Faute de pouvoir proposer des offres satisfaisantes au regard des risques du marché, ou n’ayant pas assez couvert leurs volumes à livrer, certains ont été contraints de s’adapter : réduction ou arrêt de l’émission de propositions commerciales, changements réguliers de prix voire cessation complète d’activité.
Afin de protéger les clients en assurant leur continuité d’approvisionnement, un dispositif de fourniture de secours a été mis en place par le gouvernement en fin d’année. Ainsi, en cas de défaillance d’un fournisseur, les clients sont automatiquement basculés chez le fournisseur de secours, sans qu’aucune démarche ne soit nécessaire. Le fournisseur de secours prend ensuite contact directement avec les clients concernés. Aucun risque de rupture d’approvisionnement n’est donc à craindre pour les consommateurs.
Un groupement d’achat pour mutualiser les besoins de collectivités et structures d’utilités publiques en Lozère
En réponse à l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie et à la suppression des tarifs réglementés de vente de l’électricité, le SDEE de la Lozère s’est associé dès 2016 à plusieurs syndicats d’énergie pour constituer un groupement de commandes ouvert à tout organisme d’utilité publique. Ce groupement s’étend aujourd’hui à 11 départements et couvre les besoins de plus de 40 000 points de livraison, permettant à ses adhérents de bénéficier d’un effet « volume » et d’obtenir de la part des fournisseurs les meilleures offres possibles, tant d’un point de vue technique que financier.
La procédure d’achat mise en œuvre par le groupement pour la période 2022 à 2024 s’appuie sur un accord-cadre d’une durée de trois ans, récemment attribué à EDF.
Afin de contrer la hausse des prix de l’électricité, le groupement a souhaité faire jouer les amortisseurs prévus dans son marché, en demandant 100% de ses droits ARENH (Accès Régulé à l’Energie Nucléaire Historique) qui permet aux fournisseurs de s’approvisionner en électricité à un prix fixé par les pouvoirs publics de 42 €/MWh, beaucoup moins élevé que les prix actuels du marché (135€ au 20 octobre, 295€ au 17 décembre).
Ce mécanisme est toutefois plafonné et lorsque le volume d’ARENH disponible est dépassé, les demandes des fournisseurs sont écrêtées, les obligeant à acheter la part manquante sur le marché. Pour 2021, le taux d’écrêtement de l’ARENH n’a été connu que début décembre et a été fixé à 37%. Dans le contexte de tension inédit subi par le marché, les prises de position pour couvrir les volumes d’électricité manquants se sont apparentés à du trading boursier pour tenter de prendre des positions aux moments les moins défavorables.
Si les prix obtenus pour l’année 2022 connaissent donc une augmentation significative par rapport aux prix des précédents contrats du groupement, en raison des tensions sur le marché de l’électricité évoquées précédemment, une stratégie d’achats fragmentés sera mise en place pour couvrir les besoins des membres pour les années 2023 et 2024. Cette stratégie, qui mise sur une amélioration du contexte du marché, permettra la prise de positions auprès d’EDF, titulaire du contrat, aux moments les plus opportuns. La moyenne des différentes positions prises sur l’année 2022 permettra ainsi d’obtenir les prix qui s’appliqueront en 2023 et en 2024.
Le SDEE rappelle que face à une telle situation de crise, où de nombreuses incertitudes demeurent, il n’y a pas de réponse idéale. Tous les acheteurs sont confrontés à l’envolée des prix de l’électricité et à des fournisseurs plus ou moins présents et efficaces.
Dans ce contexte, l’achat groupé reste une solution pertinente pour amortir les tensions du marché en permettant la mise en place de stratégies d’achat adaptées, qu’un acheteur isolé et peu averti ne pourrait pas appliquer. La flambée des factures à venir rappelle aussi l’importance d’un meilleur suivi des consommations, de la réalisation de travaux d’efficacité énergétique voire de la mise en place de solutions autonomes de production d’énergie quand elles sont possibles.
Chiffres clés
Groupement | Lozère | |
Nombre de membres | 2 430 | 143 |
Nombre de points de livraison | 42 500 | 3 900 |
Consommation annuelle | 670 GWh | 36 GWh |